Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On donnait un ballet d’un chorégraphe à la mode la salle était comble ; depuis les loges de clavecin jusqu’aux bonnets d’évêque, toutes les places étaient prises. Ce chorégraphe excellait surtout à rendre le sentiment de l’amour par une suite de poses d’un dessin tout à fait voluptueux, sans jamais outrager la décence. La vivacité de cet impérieux sentiment qui soumet les dieux et les hommes se traduisait par des pas pleins de feu et des attitudes passionnées prises sur la nature. On applaudissait le gracieux Batylle et la pétillante Euphrosine comme ils le méritaient, c’est-à-dire à tout rompre ; les vieux connaisseurs de l’orchestre avaient beau vanter aux jeunes gens la grâce noble et les poses majestueuses de la danseuse qui tenait auparavant ce chef d’emploi, on les traitait de radoteurs, et personne ne voulait les écouter.

Alcindor, tout à sa conquête, ne prêtait qu’une très légère attention à ce qui se faisait sur la scène ; Éliante était enivrée du bonheur de posséder Fanfreluche et de l’idée du désespoir de la marquise privée du bichon chéri.

Cependant les décorations étaient fort belles et méritaient des spectateurs plus attentifs.

On y voyait la grotte du dieu de l’onde, avec des madrépores, des coraux, des coquilles, des nacres de perles imités en perfection et du plus singulier éclat ; un palais enchanté au-dessus de