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travers de doigt de crème des Barbades ; car Éliante, comme toute petite-maîtresse, a la prétention de ne vivre que de lait pur et d’amour. Pourtant elle est plus lasse que de coutume et ne recevra qu’à trois heures.

L’abbé V***, qui était du souper, s’est montré d’une extravagance admirable, et le chevalier a fait au commandeur la mystification la plus originale ; ce qu’il y a de parfait, c’est que le brave commandeur n’a pas voulu croire qu’il a été mystifié. À la petite pointe du jour, l’on a été en calèche découverte manger la soupe à l’oignon dans la maison du garde pour se remettre en appétit, et après le déjeuner la présidente a ramené dans son vis-à-vis Éliante, dont le carrosse n’était pas encore arrivé.

Éliante, un peu fatiguée, vient d’entr’ouvrir son bel œil légèrement battu, et un faible sourire, qui dégénère en un demi-bâillement, voltige sur sa petite bouche en cœur que l’on prendrait pour une rose pompon. Elle pense aux coq-à-l’âne de l’abbé et aux impertinences du chevalier, au nez de plus en plus rouge de la pauvre présidente ; mais ces souvenirs agréables s’effacent bientôt et se confondent dans une pensée unique.

Car, il faut bien se l’avouer, si coquet et si galant qu’ait été M. l’abbé, si turlupin que se soit montré M. le chevalier, le succès de la soirée n’a pas été pour eux.