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Elle babillait, elle babillait d’une manière moqueuse et mignarde, dans un style à la fois élégant et familier, et tout à fait grande dame, que je n’ai jamais retrouvé depuis dans personne.

Elle était assise d’abord sur la bergère à côté du lit ; bientôt elle passa un de ses bras autour de mon cou, je sentais son cœur battre avec force contre moi. C’était bien une belle et charmante femme réelle, une véritable marquise, qui se trouvait à côté de moi. Pauvre écolier de dix-sept ans ! Il y avait de quoi en perdre la tête ; aussi je la perdis. Je ne savais pas trop ce qui s’allait passer, mais je pressentais vaguement que cela ne pouvait plaire au marquis.

« Et monsieur le marquis, que va-t-il dire là-bas sur son mur ? »

La peau de lion était tombée à terre, et les cothurnes lilas tendre glacé d’argent gisaient à côté de mes pantoufles.

« Il ne dira rien, reprit la marquise en riant de tout son cœur. Est-ce qu’il voit quelque chose ? D’ailleurs, quand il verrait, c’est le mari le plus philosophe et le plus inoffensif du monde ; il est habitué à cela. M’aimes-tu, enfant ?

— Oui, beaucoup, beaucoup… »

Le jour vint ; ma maîtresse s’esquiva.

La journée me parut d’une longueur effroyable. Le soir arriva enfin. Les choses se passèrent comme la veille, et la seconde nuit n’eut rien à envier à la première. La marquise était