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Gretchen fit un mouvement.

« Ne bouge pas, tu vas perdre la pose ; — tu es si bien ainsi ! » cria Tiburce d’un ton suppliant.

La pauvre fille obéit et resta immobile pendant quelques minutes. Quand elle se retourna, Tiburce s’aperçut qu’elle avait le visage baigné de larmes.

Tiburce sentit qu’elle savait tout.

Les larmes de Gretchen coulaient silencieusement le long de ses joues, sans contraction, sans efforts, comme des perles qui débordaient du calice trop plein de ses yeux, délicieuses fleurs d’azur d’une limpidité céleste : la douleur ne pouvait troubler l’harmonie de son visage, et ses larmes étaient plus gracieuses que le sourire des autres.

Gretchen essuya ses pleurs avec le dos de sa main, et, s’appuyant sur le bras d’un fauteuil, elle dit d’une voix amollie et trempée d’émotion :

« Oh ! Tiburce, que vous m’avez fait souffrir ! — Une jalousie d’une espèce nouvelle me torturait le cœur ; quoique je n’eusse pas de rivale, j’étais cependant trahie : vous aimiez une femme peinte, elle avait vos pensées, vos rêves, elle seule vous paraissait belle, vous ne voyiez qu’elle au monde ; abîmée dans cette folle contemplation, vous ne vous aperceviez seulement pas que j’avais pleuré. – Moi qui avais cru un