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peur que je ne lui reprisse ses louis, ne put cependant rien me dire, attendu qu’il ne savait rien ; excellente raison d’être discret. Au reste, ce digne homme, profondément affligé de n’avoir aucun secret à trahir, m’offrit obligeamment de me faire voir l’intérieur de la maison, espérant que j’y trouverais peut-être quelque indice. J’acceptai. Précédée du vieillard, qui m’ouvrit les recoins les plus occultes, je visitai tout avec un soin extrême ; je ne vis rien qui pût m’éclairer dans mes doutes ; pas le moindre chiffon de papier, pas un mot, pas un chiffre. J’allai chez le marchand qui avait vendu les meubles, et qui est un des plus célèbres ouvriers de Paris ; il n’avait pas vu Fortunio ; c’était un homme entre deux âges, avec une figure d’intendant et un moral d’usurier, qui avait fait toutes les emplettes ; il ne le connaissait d’ailleurs aucunement. Nous avons tous été les dupes d’une hallucination, et nous avons cru sérieusement souper chez Fortunio.

― Ceci est étrange, fort étrange, excessivement étrange ! marmotta l’élégant Alfred, qui depuis longtemps n’avait plus besoin de miroir pour y voir double. Ha ! ha ! voilà des créanciers qui doivent être bien attrapés !

― Bah ! c’est qu’il aura déménagé ou qu’il sera allé à la campagne ; il n’y a rien de mystérieux là-dedans, fit George.

― Qu’est-ce que Fortunio ? dit Phébé.