Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/253

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faïence de la Chine contenant quelques œillets étiolés et d’apparence maladive, malgré le soin évident qu’en prenait leur propriétaire ; car leurs têtes languissantes étaient soutenues par des cartes à jouer et un système assez compliqué de petits échafaudages de brins d’osier. — Tiburce remarqua ce détail, qui indiquait une vie chaste et contenue, tout un poème de jeunesse et de pureté.

Comme il ne vit pas ressortir, au bout de deux heures d’attente, la belle Madeleine au regard bleu, il en conclut judicieusement qu’elle devait demeurer là ; ce qui était vrai : il ne s’agissait plus que de savoir son nom, sa position dans le monde, de lier connaissance avec elle et de s’en faire aimer : peu de chose en vérité. Un Lovelace de profession n’y eût pas été empêché cinq minutes ; mais le brave Tiburce n’était pas un Lovelace : au contraire, il était hardi en pensée, timide en action ; personne n’était moins habile à passer du général au particulier, et il avait en affaires d’amour le plus formel besoin d’un honnête Pandarus qui vantât ses perfections et lui arrangeât ses rendez-vous. Une fois en train, il ne manquait pas d’éloquence ; il débitait avec assez d’aplomb la tirade langoureuse, et faisait l’amoureux aussi bien qu’un jeune premier de province ; mais, à l’opposé de Petit-Jean, l’avocat du chien Citron, ce qu’il savait le moins bien, c’était son commencement.