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les plus abominables gargotes du monde ; on n’y peut rien avoir : vous demandez une bosse de bison ou des pieds d’éléphants à la poulette, on vous regarde d’un air hébété, comme si vous disiez quelque chose d’extraordinaire ; ― leur soupe à la tortue a rarement des écailles, et vous ne trouveriez pas dans leur cave une goutte de Tokay ou de Schiraz authentique.

« Après leur dîner, messieurs les fashionables vont à un endroit que l’on nomme l’Opéra : c’est une espèce de baraque en bois et en toile avec des dorures passées et des espèces de barbouillages en manière de papier peint d’une magnificence suffisante pour montrer des singes acrobates et des ânes savants. ― Il est du bon genre de se placer dans une des boîtes oblongues qui avoisinent le plus les quatre grosses colonnes d’un corinthien repoussant, qui ne sont même pas de marbre. ― De ces loges il est impossible de rien voir ; c’est probablement pour cela qu’elles sont plus recherchées que les autres.

« Je me suis demandé très longtemps quel plaisir on pouvait trouver là dedans. Il paraît que l’amusement consiste à voir les jambes des danseuses jusqu’à la tête. ― Ces jambes sont habituellement fort médiocres et revêtues d’un maillot rembourré. ― Ce qui n’empêche pas les vieillards de l’orchestre de récurer les verres de leurs lorgnettes avec une grande activité.

« Le reste du temps, on fait un tapage énorme