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avait mis les pieds ; un ennui suffocant pesait sur le ciel de verre de ce petit monde privé de son soleil. — Comme aucun des habitants de l’Eldorado ne savait où il était, toute conjecture sur les motifs qui retenaient Fortunio dehors était impossible ; ― ils ignoraient s’il avait été à la chasse aux éléphants ou faire la guerre à quelque rajah ; amenés directement de l’Inde sans avoir jamais touché terre, ils ne se doutaient pas que les mœurs du pays où ils se trouvaient fussent différentes de celles de Bénarès ou de Madras.

Soudja-Sari, inquiète et triste, vivait retirée dans sa chambre avec ses femmes. Il est à regretter qu’aucun de nos peintres n’ait vu Soudja-Sari, car c’était bien la plus mignonne et la plus ravissante créature que l’on puisse imaginer, et les mots, si bien arrangés qu’ils soient, ne donnent toujours qu’une idée imparfaite de la beauté d’une femme.

Soudja-Sari pouvait avoir treize ans, quoiqu’elle parût en avoir quinze, tant elle était bien formée et d’une délicate plénitude de contours. Un seul ton pâle et chaud s’étendait depuis son front jusqu’à la plante de ses pieds. Sa peau, mate, et pulpeuse comme une feuille de camélia, semblait plus douce au toucher que la membrane intérieure d’un œuf ; pour la couleur, certaines transparences d’ambre en pourraient donner une idée. Vous imagineriez difficilement