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Fortunio, appuyé sur un coude, regardait avec une attention mélancolique la jeune fille abritée sous l’aile de l’ange du sommeil.

Ses formes délicates et pures apparaissaient dans toute leur perfection ; sa peau, fine et soyeuse comme une feuille de camellia, légèrement rosée en quelques endroits par l’impression d’un pli du drap ou la marque d’un baiser trop vivement appuyé, luisait sous la tiède moiteur du repos ; ― une tresse de ses cheveux débouclés, passant entre son col et son bras, descendait en serpentant sur sa poitrine jusqu’à la pointe de sa gorge, qu’elle semblait vouloir mordre comme l’aspic de Cléopâtre.

Au bout du lit, un de ses pieds nu, blanc, potelé, avec des ongles parfaits semblables à des agates, un talon rose, des chevilles mignonnes au possible, sortait de la couverture. ― L’autre, replié assez haut, se devinait vaguement sous l’abondance des plis.

La couleur fauve et blonde de Fortunio contrastait heureusement avec l’idéale blancheur de Musidora ; c’était un Georgione à côté d’un Lawrence, l’ambre jaune italien à côté de l’albâtre à veines bleuâtres de l’Angleterre, et l’on eût vraiment hésité à dire lequel était le plus charmant des deux.

L’œil exercé de Fortunio analysait les beautés de sa maîtresse avec le double regard de l’amant et de l’artiste. — Il se connaissait en