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quelque appartement loué pour la circonstance et qu’il quittait aussitôt, de peur de les y voir revenir.

Sa vie était divisée en deux parties bien complètes : l’une tout extérieure, courses au clocher, soupers fins et folies de toute espèce, l’autre mystérieuse, séparée et profondément inconnue.

On avait fait cette remarque à Fortunio, qu’il n’avait ni duchesse ni danseuse, et qu’il lui manquait cela pour être tout à fait du bel air ; à quoi il répondit qu’il trouvait les unes trop vieilles et les autres trop maigres.

Pourtant on le rencontra le lendemain, aux Bouffes, avec une danseuse, et le surlendemain, à l’Opéra, avec une duchesse : ― la danseuse était grasse et la duchesse jeune, chose doublement extraordinaire.

Fortunio, ayant fait ce sacrifice aux convenances, reprit son train de vie ordinaire, apparaissant et disparaissant sans jamais dire où il allait ni d’où il venait.

La curiosité de ses camarades avait d’abord été excitée au plus haut degré, mais peu à peu elle s’était assoupie, et l’on avait accepté le Fortunio tel qu’il se donnait. L’amour de Musidora avait réveillé ce désir de pénétrer les mystères de sa vie, et l’on parlait plus que jamais de ses bizarreries ; cependant on était forcé de s’en tenir à de vagues conjectures. La vérité n’était sue