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nêtres à vitrage de couleur, garnies de triples volets qui empêchent aucun bruit de transpirer du dehors au dedans et du dedans au dehors ; une grande cheminée, aussi de bois sculpté, occupe le fond de la pièce ; deux cariatides à la gorge aiguë, aux hanches onduleuses, aux grands cheveux échappés par nappes, deux figures vivantes, dignes du ciseau de Jean Goujon ou de Germain Pilon, remplacent les chambranles et soulèvent sur leurs épaules un linteau transversal délicatement ouvré et couvert de feuillages d’un fini précieux. Au-dessus, une glace de Venise taillée à biseau, très étroite et placée dans le sens de la largeur, scintille entourée d’une bordure magnifique. Une forêt entière flambe dans la gueule de cette vaste cheminée, garnie à l’intérieur de marbre blanc, où deux grands dragons de bronze, avec des ailes onglées, font l’office des chenets ordinaires. Trois lustres de cristal de roche, chargés de bougies, pendent du plafond comme les grappes gigantesques d’une vigne miraculeuse ; douze torchères de bronze doré représentant des bras d’esclaves jaillissent de la boiserie, tenant chacun au poing un bouquet de fleurs bizarres d’où les jets blancs de la bougie s’élancent comme des pistils enflammés ; et, pour suprême magnificence, en guise de dessus de portes, quatre Titiens fabuleusement beaux, dans tout leur éclat passionné, dans toute l’opulence de leur