Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suit. — Mais ce moyen est parfaitement usé ; on ne voit dans les romans que femmes poursuivies par des taureaux furieux, berlines arrêtées au bord du précipice, chevaux se cabrant dont un inconnu saisit la bride, et autres belles inventions de cette espèce.

En outre, lorsque l’on tombe de cheval, il est assez naturel de se démettre l’épaule, de se faire un trou à la tête, de se casser les dents ou de s’écraser le nez, et nous avouons que nous nous sommes donné trop de mal à faire de Musidora une jolie petite créature pour compromettre ainsi son épaule fine et polie, son nez aux méplats si délicatement accusés, ses dents pures, bien rangées, aussi blanches que celles d’un chien de Terre-Neuve, en faveur desquelles nous avons épuisé tout ce que nous savions en fait de comparaisons limpides. Croyez-vous qu’il serait agréable de voir ces cheveux soyeux et blonds coagulés par le sang en mèches roides et plates ? — Pour panser sa blessure on serait peut-être obligé de les lui couper ; — notre héroïne aurait donc la tête rasée ? — Nous ne souffrirons jamais une pareille monstruosité ; il nous serait d’ailleurs tout à fait impossible de continuer une histoire dont l’héroïne serait coiffée à la Titus.

N’est-ce pas, mesdames, que rien ne serait plus odieux qu’une princesse de roman qui aurait l’air d’un petit garçon ?