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doué par Vénus de la beauté à qui rien ne résiste, faisait jaillir du cœur noueux et raboteux d’un chêne une nymphe souriante dans tout l’éclat de sa blanche nudité.

Musidora sent au dedans d’elle-même s’épanouir une âme nouvelle comme une fleur mystérieuse semée par Fortunio sur le rocher stérile de son cœur ; son amour a toutes les puérilités divines, tous les enfantillages adorables de la passion pure et vierge. Musidora est, en effet, une jeune fille innocente qu’un mot ferait rougir et qui resterait interdite sous un regard un peu trop vif. ― C’est bien sincèrement qu’elle porte sur son bon petit cœur la lettre du cher Fortunio, qu’elle la couche avec elle et la baise vingt fois par jour. ― Croyez fermement que s’il y avait déjà des pâquerettes, elle en effeuillerait une en disant : « Un peu, beaucoup, pas du tout, » comme la naïve Marguerite dans le jardin de dame Marthe.

Qui donc a prétendu qu’il y avait de par le monde une certaine Musidora, haute, fière, capricieuse, dépravée, venimeuse comme un scorpion, si méchante que l’on cherchait sous sa robe pour voir si elle n’avait pas le pied fourchu ; une Musidora sans âme, sans pitié, sans remords, qui trompait même l’amant de son choix ; un vampire d’or et d’argent, buvant les héritages des fils de famille comme un verre de soda-water pour se mettre en appétit ; un dé-