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des sites, et ce n’était pas pour cela qu’elle était venue au Bois.

Elle battit toutes les allées, l’allée de Madrid particulièrement, où George avait rencontré Fortunio, mais inutilement ; pas le moindre Fortunio.

« Qu’a donc Musidora aujourd’hui, se disaient les jeunes gens qui la voyaient passer bride abattue, comme une ombre emportée par le vent, à courir comme une enragée et à sauter les barrières, au risque de se casser le cou ? Est-ce qu’elle veut devenir écuyère ou jockey ? Quelle rage d’équitation l’a prise subitement toute vive ? »

Un instant Musidora crut voir Fortunio au tournant d’une route : elle se lança à sa poursuite à grand renfort de coups de cravache et de coups de talon.

La jument, furieuse, se cabra, fit deux ou trois ruades et partit d’un train infernal. Ses veines se tordaient sur son cou musculeux et fumant, ses flancs battaient bruyamment, la sueur écumait et floconnait autour de sa bride, et sa course était si violente, que sa queue et sa crinière se tenaient dans une position horizontale.

« Musidora, cria Georges, qui venait en sens contraire, tu vas rendre ta jument poussive. »

L’enfant ne fit aucune attention et continua son galop insensé.

Elle était admirable. ― La vivacité de la course