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ornaient la couverture ; je n’ai trouvé dedans qu’une lettre chinoise et une chanson malaise. Fortunio, s’étant aperçu que je lui avais pris son portefeuille, m’a écrit un billet moqueur, où il me priait de me faire un bracelet avec les topazes dont il était enrichi. ― Voilà tout. Depuis, je n’en ai pas eu de nouvelles ; il est peut-être allé rejoindre sa princesse chinoise.

― Pour cela, non, petite ; je l’ai entrevu deux fois au bois de Boulogne : la première dans l’allée de Madrid, et l’autre à la porte Maillot. Il était monté sur un diable de cheval noir à tous crins de la mine la plus sauvage qu’on puisse imaginer et qui filait comme un boulet de canon. ― Je n’avais pas encore crevé mistress Bell, et tu sais comme elle va. Mais bah ! à côté de l’hippogriffe de Fortunio, elle avait l’air (car tout ce qui concerne maintenant la pauvre bête doit maintenant se mettre au prétérit) d’un colimaçon rampant sur une pierre couverte de sucre râpé. Derrière le Fortunio galopait un petit monstre à figure de safran, les yeux plus grands que la tête, la bouche lippue, les cheveux plats et fagoté le plus hétéroclitement du monde ; ― un cauchemar à cheval sur un vent, ― car il n’y a que le vent qui puisse aller ce train-là. ― C’est tout ce que je puis te dire sur le Fortunio. ― Après cela, comme tu le dis, il est peut-être en Chine. »

Dans tout le bavardage de George, Musidora n’avait saisi qu’une chose, c’est que l’on pouvait