Page:Gasquet - L’Enfant, 1900.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.



Écoute-moi… Ce soir s’ouvre profond et pur.
Le murmure des pins emplit le crépuscule.
À peine si la nuit peut assombrir l’azur.
Laisse battre ton cœur, le mien tout entier brûle
Avec l’immense ciel plein d’astres… Notre enfant
A bu ce flot de moi qui dans ton sang circule,
Il frappe de son front ton ventre triomphant.
Ô radieuse plaie ! Ô flancs ! Source sanglante !
Mon père dans ses bras tint ma mère tremblante,
Je recevrai le fruit de ta maternité.
Déjà dans tes regards je vois mon fils qui brille…

 
Ah ! donne-moi tes mains ! Qu’il vienne ! J’ai chanté.
Certitude de voir, humaine éternité,
Notre amour prolongé de famille en famille,
La race croit ! Le ciel a béni notre ville.
Enfin j’ai pu bâtir les lois de ma raison
Dans les sûrs fondements d’une riche maison.
Ô bonheur ! — cependant que là-bas, sur la route.
Dans la boue et le froid, piétine, lourd et dur,
Le troupeau sans bergers égaré par le doute, —
Nous sentons notre enfant grandir dans le soir pur.