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rabamor.

racontâmes nos aventures, et le capitaine s’empressa de rallier les naufragés du Pinson.

La brise de terre était favorable et la frégate gouverna de telle façon que, lorsque deux heures plus tard le soleil se leva, nous aperçûmes la pointe de la falaise sur laquelle nos amis étaient réfugiés. Malheureusement la brise du large arriva et nous força de louvoyer. Le capitaine profita de ce retard pour déguiser sa frégate en praw indien. Les matelots anglais eux-mêmes se déguisèrent avec des turbans.

Les pirates qui gardaient nos camarades, trompés par l’apparence du navire, ne doutant plus que ce ne soit un Indien, se précipitent en masse sur la plage pour le voir tout à leur aise. Alors la frégate, démasquant tout à coup ses caronades chargées à mitraille, fait feu et couvre la grève de morts.

Cinq minutes après, trois embarcations montées par soixante hommes abordent l’île et délivrent nos compagnons.

Une fois que nous fûmes tous embarqués, je priai le capitaine de régler mon affaire. La vie m’était à charge, et il me tardait d’aller retrouver le Rouget. Un conseil s’assembla et à l’unanimité me condamna à mort. À l’unanimité aussi, il déclara que je resterais prisonnier jusqu’au port le plus prochain, où je serais rendu à la vie et à la liberté.

Revenons au vaisseau anglais qui nous avait sauvés et dont le capitaine était surtout désireux de nous venger des pirates indiens. Comme je vous l’ai dit, il leur avait déjà donné une leçon, mais ce n’était pas assez, il voulait la donner plus complète.

Le Bordelais souriait d’un air incrédule et narquois aux menaces de l’Anglais, et je l’entendais marmotter :

— Prends le large ! c’est tout ce que tu as de mieux à faire ! Quand on trouve ces gredins en mer on les coule très-bien, mais aller les chercher chez eux, ce n’est pas prudent.

Le lendemain matin, la corvette laissa tomber son ancre, et