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rabamor.

qu’elle contenait, sur le ventre du Chinois. Le capitaine me reprocha mon manque de patience et nous sortîmes de la cabine. Un matelot nous fit comprendre que le capitaine chinois habitait près du gouvernail, et que là nous aurions peut-être les renseignements que nous venions chercher. Par curiosité nous y allâmes. Étendu sur une natte, le Chinois fumait de l’opium en chantant. Impossible d’en obtenir une réponse. D’un côté, un rêveur abruti ; de l’autre, un homme stupéfié par la bonne chère. Partout nullité et abrutissement.

— Bonne affaire, me dit le capitaine ; va me chercher dix hommes d’équipage pour arrimer à notre bord les marchandises que je vais acheter à ces Chinois.

Un clignement d’yeux me fit comprendre le sens de ce mot : acheter ; et comme, en définitive, c’est tout bénéfice de voler un voleur, — l’année précédente nous avions été dévalisés par des Chinois d’un chargement complet de coton et d’aloès, — je me hâtai d’aller chercher, du renfort. Bien entendu que le Rouget en fut.

Dès que nous fûmes de retour, nous fîmes une perquisition générale, que les Chinois occupés à manger, boire, fumer ou dormir nous laissèrent faire tranquillement. Tout fut fouillé, coins obscurs, réduits, coffres, boîtes, malles et ballots. Il y avait dans cette arche de Noé une salle pleine de singes, de perroquets, de canards, de poules, de chiens, de petits cochons de lait et d’une foule d’oiseaux que je ne connaissais pas. Nous nous empressâmes de les laisser de côté, ainsi que le camphre, les drogues, les épices, le fer, nous contentant des ballots de soieries qui toutes avaient la marque française, — beaucoup venaient de Lyon et Saint-Étienne, d’autres d’Angleterre — et que les Chinois avaient pris sur quelque bâtiment échoué ou en détresse. C’est leur habitude et leur manière de sauver un navire.