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six semaines dans un phare.

Voici ce qu’il advint de cette expédition qui avait brouillé deux généraux :

Toutes les côtes furent fouillées par nos vapeurs. À mesure qu’ils avançaient, les Russes se retiraient en faisant sauter leurs batteries, brûlant leurs magasins et leurs vaisseaux et enclouant leurs canons. En trois jours nous détruisons 106 navires de commerce chargés d’approvisionnements considérables pour Sébastopol. Toutes les villes évacuées depuis Keni-Kalé jusqu’à Anapa reçoivent des garnisons turques, anglaises ou françaises. Sébastopol ainsi isolé ne pourra plus recevoir de vivres ni de renforts par la mer d’Azof, où croiseront nuit et jour nos éclaireurs.

À leur retour les troupes expéditionnaires apprirent la prise du Mamelon-Vert. Le siége approchait de la fin.

Obligé de regagner mon bord, je dus conduire des blessés à Constantinople. Le général Pélissier faisait évacuer toutes les ambulances pour ne pas entraver les opérations. Nous revînmes à temps pour être les spectateurs de la dernière phase de l’expédition de Crimée.

Le lendemain de notre retour de Constantinople, les Russes tentaient sur nos lignes avancées un nouvel Inkermann. Sur les rives de la Tchernaïa, près du pont de Traktir, le dernier effort des Russes vint se briser contre les bataillons de l’armée française : nous apprîmes la nouvelle de ce grand combat en même temps que nous apprîmes la victoire. Dans le fait, cette bataille ne fut qu’une immense sortie repoussée avec une incroyable vigueur.

Il faut dire, à la louange de nos ennemis, qu’ils ne s’endormaient jamais, et ne nous laissaient jamais endormir. Un jour que j’étais allé à la tranchée, troisième parallèle, une des plus exposées aux obus ennemis, je fus témoin d’un spectacle aussi terrible que comique.