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quatre de nos vaisseaux s’approchent très-près de terre. La plus grande vigilance est ordonnée à bord.

Dès que les premiers rayons du jour ont paru, les officiers de chaque bord et une partie des équipages garnissent les hunes et toutes les mâtures des bâtiments. Chacun salue avec espérance le jour qui se lève et nos vœux suivent nos soldats au combat.

Je ressens encore aujourd’hui la même émotion, cette émotion poignante qu’ont éprouvée ceux qui virent de loin se dérouler toutes les péripéties de cette journée, sans pouvoir y prendre part. C’est l’ensemble de la bataille de l’Alma, vue de la flotte, que je vais essayer de vous raconter aujourd’hui.

La nature semblait avoir à l’avance admirablement fortifié le point choisi par les Russes pour se défendre et nous barrer le passage. La position qu’ils occupent est formidable. Toutes les pentes qui dominent l’Alma et la route de Sébastopol sont remplies par le centre de leur armée, dont les deux ailes sont arrêtées en deçà des ravins. Chaque inflexion de terrain sur la gauche de la rivière est défendue par de l’artillerie. La cavalerie occupe les hauteurs.

Nous voyons notre armée commencer son mouvement. L’aile droite, que commande le général Bosquet, s’avance résolûment dans la plaine vers les falaises qui bordent la mer, mais soudain, elle s’arrête. Le ciel se couvre ; des bancs épais de brume interceptent l’horizon et ne permettent plus de rien distinguer.

Sur la flotte règne un grand silence. On écoute avec une anxiété croissante si quelque bruit ne viendra pas révéler le commencement du combat. Heureusement le rideau de brume vint à se dissiper, au moment où le général Bosquet reprenait son mouvement avec la première brigade en gravissant les pentes abruptes de l’Alma, pendant que la deuxième brigade,