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le père la gloire.

harponneur se lève, ça s’affale sans rien dire pour reparaître une lieue plus loin en soufflant et en riant. Oui, je me ferais un cure-dent avec le mât de beaupré et un mouchoir avec la grande voile, plutôt que d’acheter, pour un verre de tafia, vos parts d’huile de la saison.

Car, il faut vous dire en passant, qu’une baleine rapporte environ dix mille francs, et que chaque baleinier en touche sa part.

— Voici le pourquoi de la chose, continua le conteur : Sag-Harbourg est le grand port baleinier de Long-Island, une île du nord de l’Amérique, entourée d’eau comme la Pauline, où tous les particuliers sont marins et baleiniers toujours comme sur la Pauline. Or, il y eut un jour un armateur de ce pays-là, qui en donna le nom à un de ses baleiniers, dont il confia le commandement au capitaine Bon-Œil. Le Sag-Harbourg bien gréé, c’était un superbe trois-mâts, fit un premier voyage et revint avec cent barils d’huile tandis que les autres en avaient deux mille. Première grimace de l’armateur au capitaine. Au second voyage même chance, même grimace du même au même, et le capitaine Bon-Œil fut envoyé faire la pêche aux piments sur la côte du Brésil. Le malheureux officier, tout décidé à avaler sa gaffe, se dirigea du côté de la mer. La marée était basse, ce qui ne lui fit pas plaisir, car il lui faudrait se mouiller les pieds avant de rejoindre la pleine mer. Tout à coup il vit venir à lui un grand bonhomme en habit noir, à la figure verte et au nez en forme de patte d’ancre.

— Bonjour, capitaine, que faites-vous là, au lieu d’être à bord du Sag-Harbourg ?

— Toi, si tu viens me gouailler, je vas te recevoir à coups de souliers, riposta le capitaine qui n’était pas endurant.

— Moi, bien au contraire, reprit l’autre, je viens t’offrir le commandement du Sag-Harbourg. Tu reviendras à chaque voyage avec un complet chargement d’huile. Veux-tu oui ou