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LES CHATS

Le matin, alors qu’il se disposait à aller à Séoul tirer à la cible, sa femme lui dit :

« Une grande distinction t’attend aujourd’hui, cher mari. Tu atteindras tous les buts, et tu feras mieux encore : tu te couvriras de gloire, et ta gloire brillera de génération en génération, aussi longtemps qu’il y aura des hommes. Retiens bien mes paroles : lorsque tu auras touché le dernier but, trois êtres passeront sur la route ; deux seront vêtus de blanc, montés sur des mules blanches, et portant des éventails blancs ; le troisième sera monté sur une mule tachetée, et agitera un éventail vert. Tire sur eux, sans hésiter !

— Comment ! Tirer sur des êtres humains ? »

La femme hocha la tête :

« Ce ne sont pas des êtres humains, ce sont des êtres sauvages ; si tu ne les abats pas, ils dévoreront tout le monde. Quand tu les auras tués, ouvre la poitrine de celui que portait la mule tachetée. Tu trouveras dans son sein deux petits animaux : prends-les, ne t’en sépare jamais ; qu’il soient pour toi comme des enfants !

— Alors tu les considéreras de même ?

— Oui, certainement ; adieu, mon mari bien-aimé !

— Pourquoi me dis-tu adieu avec tant de tristesse ? Je reviendrai bientôt.

— Je suis triste, parce qu’une séparation, fût-elle d’une minute, me semble une éternité. »

Tout arriva comme la femme l’avait prédit.

Ken-Tchi ne manqua aucun but. Quand sa flèche eut atteint le dernier, trois êtres apparurent sur la route ;