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naison systématique des mots, mais je veux parler des pensées harmonieusement exprimées, qui sont comme l’essence de la civilisation et qui nous la font connaître mieux encore peut-être que l’histoire. Il est vrai que parmi ces poètes il y en a un bon nombre auxquels peuvent s’appliquer ces vers d’Horace :


Ridentur mala qui componunt carmina ; verùm
Gaudent scribentes, et se venerantur, et ultro,
Si taceas, laudant quidquid scripsere beati
[1].


Les ouvrages hindoustanis en prose peuvent d’ailleurs rentrer en partie dans la poésie, car on y distingue, comme dans les autres langues de l’Orient musulman, trois espèces de prose[2], dont une seule est ce que nous entendons par ce mot. En effet, la première, appelée murajjaz, a le rhythme sans la rime ; la seconde, nommée muçajja’, a la rime sans mesure ; et enfin la troisième, qui porte le nom de ’âri, « nue », n’a ni rime ni mesure[3].

Un assez grand nombre de poëtes hindoustanis ont aussi écrit des poésies persanes, comme autrefois on faisait chez nous des vers latins aussi bien que des vers français, et à Rome, des vers grecs en même temps que des vers latins, ce qui faisait nommer ceux qui écrivaient dans les deux langues classiques utriusque linguæ scriptores. L’usage indien dont je parle en a fait naître un autre qui le constate. C’est que les auteurs qui se piquent de cette facilité de

  1. II Ep., ii, 106.
  2. Dans les langues de l’Orient musulman, on nomme la prose nasr, à la lettre, « épanchement, dispersion », en contraste avec la poésie, qu’on nomme naxm, « resserrement, arrangement ».
  3. Voyez là-dessus des détails dans ma Rhét. des nat. musul. section i