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ces notabilités, dont un seul a écrit trente à quarante volumes. Il est donc fort à regretter qu’on fasse maintenant, sous le rapport littéraire, si peu de cas de Delhi ; que tant de productions parfaites qui sont répandues par l’impression dans toute l’Inde ne soient pas considérées comme elles devraient l’être, et qu’au lieu de centaines de gens distingués de cette ville et des environs qu’on pourrait citer, on ne mentionne le nom que d’un ou deux poëtes besogneux. »

Le plagiat est une des plaies de la littérature orientale ; les historiens se copient souvent textuellement ; les poëtes s’emparent des hémistiches, des vers, des pièces de vers et des ouvrages d’autrui. Il y a même des règles dignes d’Escobar pour les vols littéraires qui ne vont pas aussi loin. On y distingue le plagiat direct du plagiat indirect, le plagiat toléré et celui qui est formellement interdit[1]. Il y a des poëmes, par exemple, dont deux poëtes se disent auteurs sans qu’on puisse savoir au juste la vérité sur ce point, comme dans le cas particulier dont parle l’Awadh Akhbâr[2], qui a pris même pour titre d’un article publié à ce sujet un vers persan qui signifie : « Qu’il est hardi le voleur qui porte en sa main une lampe[3] ! » Il s’agit d’un poëte musulman nommée Gâfil (le munschi Tufaïl Ahmad), surnommé Sahswânî, et d’un poëte hindou nomme Gauhar (Guendan Lal), surnommé Badâwînî, qui, à ce qu’il paraît, avait mis son nom à un ouvrage du premier. Celui-ci trouva un jour ce volume chez un libraire ; il le prit, et alla porter plainte au tribunal de Badaun contre le plagiaire. Tous les poëtes s’intéressèrent naturellement à cette affaire, mais elle était assez difficile à juger. Comment prouver que Gâfil était le véri-

  1. Voy. « la Rhétorique et la prosodie des langues de l’Orient musulman », 2e édit., p. 195 et suiv.
  2. N° du 24 novembre 1875.
  3. Chi dilâwar ast duzdé ki, bakaff, chirâg dârad.