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lénisles, Ronsard, Estienne, sont les premiers, dans l’école, qui veulent aussi qu’au lieu de continuer les latins d’une manière servile, et dans leur langue, on imite en français les grecs. Ils consomment l’affranchissement de la langue. François I a moins fait pour elle par l’ordonnance de Villers Cotterets’ qui lui ouvrit les tribunaux que par l’institution des chaires de grec et d’hébreu au collège de France. De ce jour, le latin perd son antique prestige, et les doctes même soupçonnent qu’il pourrait bien ne pas être la seule langue digne d’être celle de l’éloquence et de la poésie.

Les hellénistes ne tardent pas à déclarer qu’ils trouvent dans une langue, plus belle et plus riche que celle de Rome, au témoignage des Romains eux-mêmes, des modèles plus parfaits. Il faut donc mettre à les imiter, de préférence aux latins, l’ardeur qu’y ont mise, parmi ces derniers, les plus illustres, un Cicéron, un Horace, un Virgile. Mais il n’est pas à craindre que les hellénistes tombent dans la même erreur que les Cicéroniens de leur siècle et veuillent imiter en grec les écrivains de la Grèce : car cela n’est pas possible. Qui les lirait ? Et combien même sont-ils qui aient assez de confiance en eux-mêmes pour exprimer leurs pensées dans un langage si nouveau, si peu connu encore ? Budé, Rabelais, puis Daurat, Baïf et Passerai oseront l’essayer. Mais leur exemple est sans dangers, et ils ne l’essaieront eux-mêmes que rarement, par coquetterie d’érudit, et non par système.

L’école nouvelle opposa aux prétentions des latinistes, les latins eux-mêmes, qui avaient imité les grecs, mais dans leur propre langue, à une époque où celle langue était rude et jjauvre : c’est précisément ainsi qu’elle devait se former, s’enrichir. Il faut donc, quelles que soient aussi la pauvreté, la grossièreté de la langue française, s’en servir avec la hardiesse d’Ennius : les Ennius ouvrirent la voie aux Virgile.

D’ailleurs, cette langue est-elle ri pauvre que veulent bien le prétendre les admirateurs exclusifs de l’italien et du latin ? Rabelais sait lui faire dire tout ce qu’il veut ; Amyot s’y trouve

’Aoùl 1539.