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DANS la nuit qui tapisse de soie noire les murs ajourés de la case, Ganne et Loubet, seuls, écoutent l’amoureuse musique.

L’Indien, accroupi, tient sur ses genoux la viole plate à sept cordes, qui pleure.

Les deux hommes se tiennent serrés l’un contre l’autre, semblables à des enfants apeurés au récit d’un conte de fée.

C’est un balancement langoureux, une longue phrase indéfiniment répétée, émouvante et simple comme une barcarolle, et qui cependant ne peut en rien être comparée à la musique d’Europe. Il faudrait, pour la pouvoir redire, connaître le vent, le frémissement de l’eau sous les feuilles, les cris des oiseaux et le désespoir des singes abandonnés.

Peu à peu, la silhouette de l’Indien s’estompe et disparaît. La viole inclinée, brille seule dans la nuit profonde ; il y a autour d’elle comme une lueur pâle qui monte avec l’étrange symphonie.

Ganne et Loubet suivent sur les cordes les mouvement de l’archet qu’aucune main ne dirige. Ils ont maintenant la certitude que l’Indien à qui ils ont parlé n’est plus là, bien qu’aucun craquement du plancher n’ait signalé son départ.