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comme une épaisse touffe de gui. Sur le sol, c’est autre chose : des scorpions, des scolopendres, des fourmis innombrables, des termites, des scarabées monstrueux…

A travers le toit ajouré de la jungle passe une lumière violente, semblable à certains soirs d’automne. Les singes gris et noirs, à peine gros comme le poing, gambadent sur les arbustes et grimpent le long des lianes, comme des écureuils.

Nous traversons une région dépeuplée. Nous avons depuis deux jours dépassé la limite des placers.

Loin, très loin, on entend, prolongé et doux, le meuglement d’une bête inconnue ; l’eau voisine clapote en frôlant précipitamment la berge abrupte.

Nous passons, sur un tronc d’arbre chancelant, une crique profondément encaissée. L’eau chante gaiement sous nos pieds ; nous respirons au passage son haleine fraîche, acide et moisie.

Et nous allons ainsi, tantôt riant, tantôt silencieux, respirant à longs traits la vie odorante et verte qui nous vient de la terre. Une joie intime nous enveloppe de jeunesse ; il semble à chaque instant que nous voyons un monde nouveau.

Le piétinement des monstres de la jungle : tapirs, maipouris, pumas, tigres et fourmiliers, a formé un sentier qui descend vers le fleuve où les