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XLIX



LE brouillard s’étend, épais, sur la rivière ; une humidité tiède imprègne les vêtements et les alourdit. Le corps nu des pagayeurs ruisselle comme s’ils étaient couverts de sueur.

De loin en loin, un souffle d’air fait monter et descendre les vapeurs dormantes.

— Quelle heure est-il ?

Marthe, blottie à l’arrière du canot, mord avec force dans une canne à sucre. Elle mâche la fibre verte sirupeuse. Les yeux clignotants sous la lumière diffuse que rayonne la brume, elle interroge les pagayeurs Saramacas.

— Je m’ennuie… quelle heure est-il ?

Elle s’étonne de la réponse précise donnée par le bosseman.

— Tu vois cela exactement au soleil ? dit-elle.

— Je le vois au soleil et à tout ce qui nous entoure… Il y a tant d’indices pour guider les hommes… Les feuilles des arbres se penchent à certaines heures. J’écoute le frémissement des branches et le chant des oiseaux… quelques-uns commencent à chanter quand d’autres se taisent. Et les fleurs… les orchidées s’ouvrent et se ferment avec la marche du jour… les pois de senteur ont une odeur différente de l’aurore au crépus-