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Ils s’assoient en silence auprès de nous. Leurs yeux brillent ; ils ont, sur leur visage desséché, l’expression d’hommes résolus qui ont beaucoup souffert, qui ont longtemps médité, et qui sont prêts à l’action. Ils nous regardent avec méfiance, comme si notre arrivée troublait la réalisation de quelque projet imminent.

— Et Ganne, où est-il ?

Delorme penche plus avant sur sa poitrine son front incliné, il hoche légèrement la tête et se tait.

— Et Devey ?

— …

— Et Lefèvre ? et Flogny, et Breuillard ? Le silence accablant nous oppresse.

— Ils sont morts, comme Ganne, dit une voix tout près de moi.

L’Indien, assis à l’écart dans l’encadrement de la baie ouverte sur le marécage, semble couvert d’un manteau irradiant comme si toute la lumière du soir se concentrait sur lui.

Lui seul parle. Sa voix est un bourdonnement sourd, comme le bruit d’une foule au loin. Aucun de nous ne suit le récit qu’il semble faire à voix haute pour lui-même et qui est plein d’images de querelles, de révoltes, d’exaspérations et de tueries.

Une même pensée nous obsède.

— Et Marthe ? dit enfin Pierre Deschamps debout devant Delorme.