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brai à la porte du palais de Fénelon. Catinat, Villars et le Grand Roi lui avaient parlé. Vingt ans après Malplaquet, il avait suivi une mission de jésuites à Cayenne.

En remontant l’Oyapok, Malouet le trouva aveugle et nu, seul, et discourant parmi les bêtes au bord du fleuve. Il avait cent douze ans. Depuis vingt-cinq ans, il n’avait bu de vin ni mangé de pain, ni porté les vêtements d’un chrétien. Les Mémoires de Malouet rapportent, dans des pages qui frémissent encore, le récit du vieux soldat qui avait eu la vision féerique…

Témoin Mathurin Bruneau qui se disait fils de Louis XVI. Déporté à la Guyane pour cette imposture, il avait pris à son tour la route merveilleuse. Frédéric Bouyer, capitaine de frégate, le rencontra dans la deuxième moitié du dernier siècle sur la rivière Comté, seul, au dégrad. Il était centenaire. Il attendait, immobile, éternel, la fin du rêve.

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— Ceux qui sont morts, dis-je, n’ont pas quitté la jungle. Peu d’hommes quittent cette terre une fois qu’ils l’ont connue. Ils laissent leurs cheveux blanchir aux lieux mêmes où ils se sont arrêtés sur la route fabuleuse. Qui pourrait croire qu’ils reviennent au pays natal plus tard, lorsque, comme toi, ils ne sont plus que des ombres errantes ?