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XXXIX



IL n’était plus possible de vivre sur le camp. Les Saramacas hostiles passaient en silence devant nous.

Avec les pluies diluviennes commençait la saison des hautes eaux. Le fleuve charriait d’énormes troncs d’arbres et des amas de détritus provenant des crues dans les criques sèches.

Il faut croire que Pierre Deschamps pouvait vivre sans dormir ou qu’il vivait en rêve, car les propos qu’il tenait le jour étaient en tout semblables à ceux que j’entendais la nuit.

Dans le rêve, c’est une deuxième personnalité qui apparaît. Les images du sommeil sont saugrenues et déconcertent parce qu’elles dépassent le cadre de la conscience à l’état de veille.

Il n’en était pas ainsi de Pierre Deschamps qui poursuivait en rêve exactement la même vie que dans le jour. Il n’y avait pas de solution de continuité dans le mouvement de ses pensées, de sorte que l’une des deux personnalités semblait disparue.

— Je suis, disait-il, un homme différent. N’es-tu pas tourmenté par le besoin de changer ta vie monotone, de te transformer et d’être, non pas dans les fugitives créations du sommeil, mais