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Ma place n’est plus ici. Mes visites répétée » au vieillard aveugle sont sans raison ; elles troublent l’harmonie du camp et les traditions.

J’objecte en vain que je n’ai pas de pirogue, que ma vie est sans but. J’offre la poudre d’or dont je n’ai que faire.

Les regards muets et indifférents qui ne quittent plus mes yeux m’intiment l’ordre de partir sans délai.

Mais je sais que je ne partirai pas.

Pourquoi ?

Demande au vent et aux lucioles qui zigzaguent dans la nuit… Demande à la Solitude, qui, seule, connaît l’angoisse de mon âme.

Dans la nuit profonde, passent, à ras du sol, des bruits d’autrefois qui semblaient à jamais effacés de ma mémoire, dont le retour est mystérieux et lointain, comme s’ils venaient d’une existence antérieure : ce sont les chants des mineurs au placer Elysée, les aboiements des chiens, le souffle métallique de la drague au travail ; très loin, dans le fond du marécage, les appels des coupeurs de bois. Ce sont, aussi, les senteurs des jasmins et des bois de rose. Voici, suspendu dans la clairière, le jardin de Marthe où les roses rouges de France ont fleuri.

Les souvenirs très doux qui semblaient perdus, et qui sont là présents et vivants dans la lumière d’une