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XXVIII



QU’IL fasse le plus mauvais temps du monde, cela est sans importance.

Il pleut sans arrêt. Le vent secoue les carbets à les déraciner. Les pieds entrent dans la boue jusqu’aux chevilles. Presque toutes les heures, on entend comme une décharge d’artillerie : c’est un géant de la jungle qui fléchit sous son poids et s’abat en fracassant les arbres voisins.

Mais, en regardant autour de moi, je vois un rayon de soleil qui a tout à coup traversé l’ombre et une échappée de vue sur le fleuve vitreux…

Il n’en faut pas davantage. Une joie puérile s’empare de l’âme.

Je suis seul. La paix est enfin venue. Je garde en moi un intime bonheur.

Il y avait au placer Elysée des chants et des rires, des roses rouges, et la lumière joyeuse qui faisait vibrer jusqu’au cœur des pierres. Cependant, j’étais triste et abandonné.

Mais ici…

Le grignon, enveloppé de lianes comme une quenouille, le grignon pansu qui garde ma case, me regarde et me reconnaît. Il a une physionomie amicale. En partant chaque matin, j’ai le sentiment de laisser là un ami qui attend mon retour.