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TATERLEY
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telle que vous pensez, dans votre ben cœur, et que vous souhaitez le bonheur à moi et à mon mari.

Caleb mit un baiser sur le joli visage brillant de joie qu’elle lui offrait et la prenant dans ses bras :

— Dieu vous bénisse, enfant, Dieu bénisse votre mari. Revenez-moi bien vite.

Ils sortirent rapidement. La porte s’ouvrit, la rumeur de la rue retentit de nouveau à leur oreille, le mouvement de la veille les reprenait dans son tourbillon. Ils montèrent en voiture au moment où Caleb sortait aussi de l’église.

En regardant par la portière, ils le virent qui retirait son vieux chapeau de sa tête, pour l’agiter en l’air jusqu’à ce que la voiture eût disparu dans la cohue des véhicules. Alors, Caleb remit sa coiffure et, à pas lents, reprit le chemin de l’appartement de Donald.


CHAPITRE IX

un peu de solitude. — un voyage et une vision de l’arcadie.


Caleb avait décidé, vu le nouvel arrangement des choses, de chercher un autre logis. Cette initiative vint de lui seul, car Donald n’avait aucune idée pratique dans le moment.

Le nouveau Taterley se mit donc, en conséquence, en quête d’une chambre et, après quelques recherches et beaucoup de pourparlers avec de vieilles dames, il loua un espèce de petit pied à terre bon marché et assez propre, dans le voisinage d’Holborn.

Le vieux Caleb Fry était désormais tellement aboli que la plus grande satisfaction du nouveau Taterley fut de se dire qu’il serait près du jeune homme et de la jeune femme qu’il avait réunis et qu’il pourrait les voir tous les jours.

Le jour du départ des deux jeunes gens, mélancolique et solitaire, il flâna dans l’atelier jusqu’à la nuit. Il se souvenait de tout ce qu’ils avaient dit et fait, il sentait encore les bras de la jeune fille autour de son cou dans la vieille église paisible et il entendait encore ses paroles. Un seul instant, un peu de l’impatience brutale de Caleb Fry lui retint au cœur, mais l’âme de Caleb Fry n’était plus la sienne. Le Taterley qu’Ella avait embrassé et vers qui elle avait tourné son jeune et joyeux visage plein de tendre gratitude vivait seul désormais en lui.

L’étrange petit logis dans lequel il devait se reposer ce soir-là ne devait que lui faire sentir davantage son isolement. Il connut de nouveau l’insomnie et le besoin de n’être point seul, qui l’avait hanté si souvent ces jours derniers. Il sortit pour errer dans les rues sans but. Voir la lutte, pensait-il, que ces enfants soutiennent contre la pauvreté et le sort inexorable et me trouver près d’eux sous l’apparence de Taterley qu’ils aiment, de leur meilleur ami, de celui qui compatit à leurs soucis ! Si la vérité leur était révélée, que diraient-ils, que feraient-ils ? Ah ! c’est alors que je serais vraiment mort.

L’aube se levait quand il se glissa dans son étroite chambrette pour s’endormir pendant quelques heures. Il rêva qu’il était mort et qu’on l’enterrait à la nuit dans un cimetière solitaire ; mais qu’il n’était qu’en léthargie et il se réveillait pour crier qu’il vivait. Mais on lui répondait par des rires, on lui criait sans pitié qu’il ne volerait plus personne désormais et on le rejetait dans son tombeau au milieu d’une lutte horrible et de ses cris de détresse.

Caleb se réveilla tremblant de tous ses membres et haletant de terreur.

La seconde nuit, il la passa dans l’atelier de Donald, jusqu’au moment où les rues furent tranquilles, alors il se glissa dehors avec une idée dans la tête Toute la nuit il marcha, pour ne s’arrêter que lorsque le soleil fut levé. Il