Page:Gagnon - Chansons populaires du Canada, 1880.djvu/349

Cette page a été validée par deux contributeurs.
331
DU CANADA

même, comme il n’est pas limité, circonscrit dans son essor par certaines divisions matérielles du temps, qui sont autant de manifestations d’un ordre borné et fini, il s’ensuit que le plain-chant, seul, fondé sur une mesure abstraite, absolue, fait naître, par conséquent, sur chaque intervalle, l’idée du repos, comme il la fait naître d’un autre côté par l’unité de ton, en vertu de laquelle chaque intervalle ne se résout pas sur un autre, n’est pas appellatif d’un autre et est à lui-même son complément.

« Dans la musique proprement dite,… le rhythme se combine tantôt avec la mesure, tantôt contraste avec l’uniformité invariable de celle-ci par la liberté de ses allures, tantôt la contrarie en introduisant momentanément une mesure binaire dans une mesure ternaire, et réciproquement, tantôt enfin l’enveloppe dans la largeur de ses périodes et lui communique plus particulièrement son principe intelligent. C’est ce qui fait aussi la beauté et l’âme de la musique, bien que l’expression qui en résulte soit moins pure et moins élevée que celle du plain-chant qui, par la nature de sa constitution, s’interdit toute manifestation de l’ordre fini. »[1]

On a comparé avec raison le rhythme du plain-chant au verbe de la langue hébraïque. Le verbe hébreux ne sait pas exprimer, comme le verbe de nos langues modernes, les nombreuses et subtiles modifications de l’espace et de la durée. Sans temps présent, souvent même il exprime au passé ce qui doit arriver dans l’avenir.[2]

  1. J. d’Ortigue — Dictionnaire, col. 1323.
  2. “ Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os…