— Eh bien ! me donnez-vous la petite ?
— Dès qu’elle pourra marcher, » répondit la mère.
Mlle Borel prit l’enfant, la regarda longtemps, et, à mesure qu’elle la regardait, son visage aux lignes si graves s’attendrissait. Il avait un rayonnement qui ressemblait à la joie maternelle.
« Ma chère petite Madeleine, dit-elle, que tu seras belle ! »
Elle la baisa pieusement et sortit.
II
Dix-neuf ans se sont écoulés.
En 1863, M. Borel, fabricant de soieries, jouissait sur la place de Lyon d’une réputation qu’il devait autant à la supériorité de ses produits qu’à l’étendue de ses relations commerciales.
Il occupait à la Croix-Rousse près de trois mille métiers ; il faisait l’exportation sur une grande échelle, principalement en Amérique. Paris recherchait ses velours et ses façonnés ; la Prusse et l’Angleterre copiaient ses dessins.
M. Borel était en outre un industriel intègre, justement considéré. À Lyon, d’ailleurs, ce proverbe ; « Que le bien mal acquis ne profite pas, » est passé à l’état