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vides de sens, qu’on exalte le peuple, qu’on perd les sociétés !

— C’est avec ces mots-là qu’on les sauve !

— Tu m’exaspères à la fin avec tes billevesées de philanthrope. Chacun pour soi, chacun chez soi ! La fraternité ou la mort ! J’aime mieux la mort !… Ah ! je suffoque… Virginie, un verre d’eau !…

— Malheureusement, mon pauvre Furibus, continua Prudence, beaucoup des nôtres pensent comme toi et surtout agissent comme tu penses, et c’est pourquoi le monstre nous dévorera. Les forts absorbent les faibles : d’après Darwin, c’est une loi de nature. Nos conventions économiques, qui favorisent la bourgeoisie au détriment du prolétariat, en ont fait jusqu’à ce jour une loi sociale ; mais voilà que les termes changent. Les forts maintenant, ce sont eux ; les faibles, c’est nous. Ils sont vingt contre un, et quand ils voudront s’unir, — ils commencent à le comprendre, — force nous sera de plier. Ah ! devant cette formidable menace, qu’est-ce que nos luttes politiques, nos embarras financiers ? qu’est-ce que la menace même de la Prusse ? La Prusse croulera comme nous, car le dragon est plus terrible et plus fort que Guillaume et Bismark. Tu as peur, n’est-ce pas ? Moi aussi, j’ai peur. Or, la peur pousse aux concessions.

— Enfin, explique-toi. De quelles concessions parles-tu ?

— Le capital a des privilèges…

— Des privilèges ? Déclamations que tout