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ne puis rentrer, les ayant sur mes talons, ni chez moi, ni au Grand-Archange. Ce n’est plus pour m’assassiner qu’ils me suivent maintenant, mais pour savoir qui je suis. Or, s’ils viennent à se douter que ce paillasse recouvre M. Verduret et que M. Verduret lui-même dissimule M. Lecoq, c’en est fait de mes projets. Ils s’envoleront à l’étranger, car ce n’est pas l’argent qui leur manque et j’en serai pour mes frais et pour mon coup de couteau.

Cette idée, que peut-être Raoul et Clameran lui échapperaient, l’exaspéra si fort, qu’un instant il songea à les faire prendre.

C’était chose facile, en somme. Il n’avait qu’à se précipiter sur eux, en criant au secours, on viendrait, on les arrêterait tous les trois et on les consignerait au poste à la disposition du commissaire de police.

C’est ce moyen aussi simple qu’ingénieux qu’emploient les agents du service de la sûreté lorsque, rencontrant à l’improviste quelque malfaiteur qui leur est signalé, ils ne peuvent, faute d’un mandat, lui mettre la main dessus.

Le lendemain, on s’explique.

Or le paillasse avait en mains bien assez de preuves pour faire maintenir l’arrestation de Lagors. Il pouvait montrer la lettre et le paroissien mutilé, il pouvait révéler l’existence des reconnaissances du Mont-de-piété déposées au Vésinet, il montrerait son bras. Au pis aller, Raoul aurait à expliquer pourquoi et comment il avait volé ce nom de Lagors, et dans quel but il se faisait passer pour le parent de M. Fauvel.

D’un autre côté, en agissant avec cette précipitation, on assurait peut-être le salut du principal coupable, de M. de Clameran. Quel témoignage décisif s’élevait contre lui ? Aucun. On avait les présomptions les plus fortes, mais pas un fait.

Tout bien réfléchi, le paillasse décida qu’il agirait seul, comme il l’avait toujours fait jusqu’ici, et que seul il arriverait à la découverte des vérités soupçonnées.