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Le père Plantat remarqua qu’il semblait bien plus contrarié qu’inquiet.

— Cet homme est fort mal noté dans ma commune, souffla le maire au juge d’instruction.

La Ripaille entendit la réflexion et sourit.

Interrogé par le juge d’instruction, il raconta d’une façon très-nette et très-claire, fort exacte en même temps, la scène du matin, sa résistance, l’insistance de son fils. Il expliqua les prudentes raisons de leur mensonge. Là encore le chapitre des antécédents reparut.

— Je vaux mieux que ma réputation, allez, affirma La Ripaille, et il y a bien des gens qui ne peuvent pas en dire autant. J’en connais d’aucun, j’en connais d’aucunes surtout, — il regardait M. Courtois, — qui, si je voulais babiller !… On voit bien des choses quand on court la nuit… Enfin, suffit.

On essaya de le faire s’expliquer sur ses allusions. En vain.

Lorsqu’on lui demanda où et comment il avait passé la nuit, il répondit que, sorti à dix heures du cabaret, il était allé poser quelques collets dans les bois de Mauprévoir et que, vers une heure du matin, il était rentré se coucher.

— À preuve, ajouta-t-il, qu’ils doivent y être encore et que peut-être il y a du gibier de pris.

— Trouveriez-vous un témoin pour affirmer que vous êtes rentré à une heure ? demanda le maire qui pensait à la pendule arrêtée sur trois heures vingt minutes.

— Je n’en sais, ma foi, rien, répondit insoucieusement le vieux maraudeur, il est même bien possible que mon fils ne se soit pas réveillé quand je me suis couché.

Et comme le juge d’instruction réfléchissait :

— Je devine bien, lui dit-il, que vous allez me mettre en prison jusqu’à ce qu’on ait trouvé les coupables. Si nous étions en hiver, je ne me plaindrais pas trop ; on est bien en prison, et il y fait chaud. Mais juste au moment de la chasse, c’est contrariant. Enfin, ce sera une