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XIX


Le comte de Trémorel ne supposait pas que le répit demandé par Berthe dût être de longue durée. Depuis une semaine, Sauvresy semblait aller mieux. Il se levait maintenant, il commençait à aller et venir dans la maison, et même il recevait sans trop de fatigue la visite de ses nombreux amis du voisinage.

Mais, hélas ! le maître du Valfeuillu n’était plus que l’ombre de lui-même. Jamais, à le voir plus blême que la cire, exsangue, chancelant, la joue creuse, l’œil brillant d’un feu sombre, on n’aurait reconnu ce robuste jeune homme aux lèvres rouges, au visage épanoui, qui, le long du restaurant de Sèvres, avait arrêté la main de Trémorel.

Il avait tant souffert ! Vingt fois la maladie avait failli le terrasser, vingt fois l’énergie de son indomptable volonté avait repris le dessus. Il ne voulait pas, non il ne voulait pas mourir avant de s’être vengé de ces infâmes qui lui avaient pris son bonheur et sa vie.

Mais quel châtiment leur infliger. Il cherchait, et c’était là l’idée fixe qui, brûlant son cerveau, allumait la flamme de son regard.

Dans les circonstances ordinaires de la vie, trois partis se présentent pour servir la colère et la haine du mari trompé.

Il a le droit, presque le devoir, de livrer sa femme et son complice aux tribunaux. La loi est pour lui.

Il peut épier adroitement les coupables, les surprendre et les tuer. Il y a un article du code qui ne l’absout pas, mais qui l’excuse.

Enfin, rien ne l’empêche d’affecter une philosophique indifférence, de rire le premier et le plus haut de son