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nes, le temps perdu à la maison. Ce n’est même pas sans raison qu’elle passe pour une des plus mauvaises langues d’Orcival. Elle ferait battre, dit-on, des montagnes.

On comprend donc aisément le courroux de Mme Petit, ce jour fatal de l’assassinat du comte et de la comtesse de Trémorel.

À onze heures, après être allée aux informations, elle avait préparé le déjeuner, pas de Monsieur.

Elle avait attendu une heure, deux heures, cinq heures, tenant son eau bouillante pour ses œufs à la coque ; toujours pas de Monsieur.

Elle avait voulu envoyer Louis à la découverte, mais Louis, qui est absorbé, comme tous les chercheurs, qui est peu causeur et peu curieux, l’avait engagée à y aller elle-même.

Et pour comble, la maison avait été assiégée de voisines qui, croyant Mme Petit en mesure d’être bien renseignée, demandaient des nouvelles. Pas de nouvelles à leur donner.

Cependant, vers cinq heures, renonçant décidément au déjeuner, elle avait commencé les préparatifs du dîner.

À quoi bon ! Lorsque huit heures sonnèrent au beau clocher d’Orcival, Monsieur n’était pas encore rentré.

À neuf heures, la gouvernante était hors d’elle-même, et tout en se « mangeant les sangs » ainsi qu’elle le disait énergiquement, elle gourmandait le taciturne Louis qui venait d’arroser le jardin, et qui, assis à la table de la cuisine, avalait mélancoliquement une large assiette de soupe.

Un coup de sonnette l’interrompit :

— Ah ! enfin, dit-elle, voilà Monsieur.

Non, ce n’était pas Monsieur, c’était un petit garçon d’une douzaine d’années, que le juge de paix avait expédié du Valfeuillu pour annoncer à Mme Petit qu’il allait rentrer amenant deux invités qui dîneraient et coucheraient à la maison.