Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/397

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’âme au seuil du grand passage. Il parle au nom du Dieu des miséricordes qui vient pour sauver et non pour perdre. Je pourrais vous citer bien des exemples de mourants qui ont été guéris rien qu’au contact des saintes huiles.

La bonne sœur parlait d’un ton morne comme son regard. Le cœur, évidemment, n’entrait pour rien dans les paroles qu’elle prononçait. C’était comme une leçon qu’elle débitait. Sans doute elle l’avait apprise autrefois lorsqu’elle était entrée au couvent. Alors elle exprimait quelque chose de ce qu’elle éprouvait. Elle traduisait ses propres impressions. Mais depuis ! elle l’avait tant et tant répétée aux parents de tous ses malades que le sens finissait par lui échapper. Ce n’était plus désormais qu’une suite de mots banals qu’elle égrenait comme les dizaines latines de son chapelet. Cela désormais faisait partie de ses devoirs de garde-malade, comme la préparation de tisanes et la confection des cataplasmes.

Noël ne l’écoutait pas, son esprit était bien loin.

— Votre chère maman, poursuivait la sœur, cette bonne dame que vous aimez tant, devait tenir à sa religion ; voudrez-vous exposer son âme ? Si elle pouvait parler, au milieu de ses cruelles souffrances…

L’avocat allait répliquer lorsque la domestique lui annonça qu’un monsieur qui ne voulait pas dire son nom demandait à lui parler pour une affaire.