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LE DÉFRICHEUR.

Pour Pierre Gagnon, lorsqu’il s’était bien convaincu qu’il fallait renoncer à égayer son compagnon de solitude, il se mettait à chanter son répertoire de complaintes. Mais son plus grand bonheur, son plus beau triomphe à ce brave serviteur était de parvenir à faire naître un sourire sur les lèvres de son jeune maître.

Après tout, ces moments de mélancolie n’étaient que passagers. S’ils survenaient durant les autres jours de la semaine, Jean Rivard en faisait bientôt justice par un travail violent. D’ailleurs, on sait déjà que Jean Rivard n’était pas homme à se laisser abattre. Quoique doué d’une excessive sensibilité, ce qui dominait dans sa nature c’était le courage et la force de volonté. Jamais, au milieu même de ses plus sombres tristesses, la pensée ne lui vint de retourner chez sa mère. Il fut toujours fermement déterminé à poursuivre l’exécution de son dessein, dût-il en mourir à la peine.

Enfin, vers le milieu de Mars, le froid commença à diminuer d’une manière sensible, les rayons du soleil devinrent plus chauds, la neige baissait à vue d’œil et Jean Rivard put songer à mettre à exécution le projet formé par lui dès l’automne précédent et qui lui souriait depuis plusieurs mois, celui de faire du sucre d’érable.