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LE DÉFRICHEUR.

l’hiver au village de Lacasseville, y chercher de nouvelles provisions et divers articles de ménage dont l’absence se faisait grandement sentir dans le nouvel établissement. Ils partirent un samedi vers le soir, et ne revinrent que le lundi. Pour éviter un nouveau trajet, notre héros, suivant encore en cela les conseils de M. Lacasse, loua cette fois les services de deux hommes robustes, qui l’aidèrent à transporter les effets les plus lourds à travers la forêt.

Au nombre de ces effets était un poêle, article fort important, surtout à l’approche de l’hiver, et dont Pierre Gagnon en sa qualité de cuisinier avait déjà plus d’une fois regretté l’absence. Jusque-là nos défricheurs avaient été réduits à faire cuire leur pain sous la cendre.

Jean Rivard n’eut pas d’ailleurs à regretter ce petit voyage à Lacasseville, car une lettre de son ami Gustave Charmenil l’y attendait depuis plusieurs jours ; elle était ainsi conçue :


« Mon cher ami,

« J’ai reçu ta lettre où tu m’annonces que tu te fais défricheur. Tu parais croire que ton projet va rencontrer en moi un adversaire acharné ; loin de là, mon cher, je t’avouerai franchement que si je n’avais pas déjà fait deux années de cléricature, et surtout si j’avais comme toi cinquante louis à ma disposition, je prendrais peut-être aussi la direction des bois, malgré mes goûts prononcés pour la vie spéculative et intellectuelle. Tu ne saurais croire combien je suis dégoûté du monde. Je te félicite de tout mon cœur de n’avoir pas suivi mon exemple. Si je te