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JEAN RIVARD

que la Providence continuerait à bénir ses travaux, et que sa prochaine récolte lui permettrait de pourvoir amplement aux besoins et à l’entretien d’un ménage — que dans tous les cas la seule objection qu’il pût faire n’avait rapport qu’à l’époque fixée pour ce grand événement, si toutefois, ajouta le père en souriant, et en regardant sa fille, si toutefois Louise ne change pas d’idée… elle est encore jeune… et les filles sont si changeantes !…

— Ah ! papa !… s’écria involontairement la jeune fille en devenant rouge comme une fraise, et en levant vers son père des regards suppliants où se lisaient en même temps le reproche et la contrainte.

Cette naïve exclamation, et le mouvement spontané, dépourvu de coquetterie, qui l’accompagna, en dirent plus à Jean Rivard que n’auraient pu le faire les lettres les plus tendres.

Ce fut la réponse la plus éloquente, la plus touchante qu’il pût désirer à sa demande en mariage.

Notre héros repartit cette fois de Grandpré plus gaî qu’à l’ordinaire, malgré les adieux toujours pénibles qu’il dut faire à sa mère et au reste de la famille. Mais la séparation fut moins cruelle, puisque l’absence devait être plus courte.

Avant de partir de Grandpré, Jean Rivard reçut une proposition qui, dans les circonstances, lui était on ne peut plus acceptable. La mère Guilmette, pauvre veuve d’environ cinquante ans, qui demeurait dans la famille Rivard depuis plus de vingt ans, qui avait vu Jean naître, grandir, s’élever, et s’était attachée à lui avec une affection presque maternelle, voyant que notre jeune défricheur allait avoir durant les mois de l’été et de l’automne un surcroît de tra-