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JEAN RIVARD

il paraît s’aimer trop lui-même pour aimer beaucoup une autre personne. Malheureusement pour moi, il a de beaux habits, il vend de belles marchandises, soie, rubans, dentelles, et les jeunes filles aiment tant toutes ces choses-là ! Il a de belles mains blanches et les miennes sont durcies par le travail. De plus, il demeure si près de vous, il peut vous voir tous les jours, il vous fait sans doute de beaux cadeaux, il vous donne de jolis bouquets, il vous accompagne chez vous après Vêpres, etc. ; et moi, qui suis à plus de vingt lieues de vous, je ne puis rien de tout cela. On dit que les absents ont toujours tort : il est donc probable que, à l’heure qu’il est, vous ne pensez déjà plus à moi…


De Louise Routier à Jean Rivard.

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« Je ne comprends pas comment vous avez pu croire que je pouvais m’amuser à ce beau jeune homme à moustaches qui venait chez nous pour la première fois quand vous l’y avez rencontré, et qui n’y est pas revenu depuis, et dont le principal mérite, il paraît, est de savoir danser à la perfection. Je ne suis encore qu’une petite fille, mais croyez-moi, je sais faire la distinction entre les jeunes gens qui ont un esprit solide, du courage, et toutes sortes de belles qualités et ceux qui n’ont que des prétentions vaniteuses, ou qui ont, comme on dit, leur esprit dans le bout des orteils. Si je vous semble légère quelquefois, je ne le suis pas au point de préférer celui qui a de jolies mains blanches, parce qu’elles sont oisives, à celui dont le teint est bruni par le soleil, parce qu’il