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JEAN RIVARD

d’un coup d’épée, comme le fameux cuisinier Vatel, parcequ’un de ses rôtis n’aurait pas été cuit à point.

Un seul assaisonnement suffisait à tous les mets, et cet assaisonnement ne manquait jamais : c’était l’appétit.

De temps en temps des fruits sauvages, des bluets, des catherinettes, des fraises, des framboises et des groseilles sauvages que nos défricheurs cueillaient eux-mêmes dans la forêt, venaient apporter quelque variété dans le menu des repas.

L’eau claire et pure de la rivière de Louiseville suffisait pour étancher la soif.

Depuis l’arrivée de « la Caille, » le lait ne manquait pas non plus sur la table rustique ; c’était le dessert indispensable, au déjeuner, au dîner et au souper.

Je devrais dire un mot pourtant de cette bonne Caille qui, bien qu’elle parût s’ennuyer beaucoup durant les premiers temps de son séjour à Louiseville, ne s’en montra pas moins d’une douceur, d’une docilité exemplaires. Elle passait toute sa journée dans le bois, et revenait chaque soir au logis, poussant de temps en temps un beuglement long et plaintif. Elle s’approchait lentement de la cabane, se frottait la tête aux angles, et, si on retardait de quelques minutes à la traire, elle ne craignait pas de s’avancer jusque dans la porte de l’habitation. De fait elle semblait se considérer comme membre de la famille, et nos défricheurs souffraient très volontiers, le sans-gêne de ses manières.

J’aurais dû mentionner aussi qu’avec les animaux composant sa caravane du printemps, Jean Rivard avait emporté à Louiseville trois poules et un coq. Ces intéressants volatiles subsistaient en partie de