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ÉCONOMISTE.

élevé tellement au-dessus de nous ses anciens condisciples, qu’à sa vue toute familiarité doit cesser pour faire place au respect, à la vénération. Mais, pardon, mon ami, je te vois déjà froncer le sourcil, je t’entends me demander grâce et me supplier de revenir au bon vieux temps. Revenons-y donc ; que puis-je faire de mieux que de m’élever un instant jusqu’à toi ? Oh ! les amis de collège ! avec quel bonheur on les revoit ! avec quel bonheur on reçoit quelques mots de leurs mains ! Si j’étais encore poète, je dirais que leurs lettres sont pour moi comme la rosée du matin sur une terre aride. Oui, mon cher Octave, malgré les mille et une préoccupations qui m’ont assailli depuis notre séparation, il ne se passe pas de jour que je ne me reporte par la pensée dans la grande salle de récréation de notre beau collège de * * *, au milieu de ces centaines de joyeux camarades qui crient, sautent, gambadent, tout entiers à leur joie, et sans souci du lendemain. Ces heureux souvenirs me reposent l’esprit.

« Mais venons-en à ta lettre. Elle a produit sur moi un mélange de plaisir et de douleur. J’ai frémi d’épouvante à la seule description de l’incendie qui a ravagé votre canton. Quel terrible fléau ! La nouvelle du sinistre m’a d’autant plus affecté que ma correspondance avec le noble et vaillant pionnier de cette région m’avait initié en quelque sorte aux travaux et aux espérances des colons, et m’avait fait prendre à leurs succès un intérêt tout particulier. Quoique je n’aie jamais visité Rivardville, il me semble l’avoir vu naître et se développer. Ce que tu me dis de la conduite de notre ami ne me surprend nullement. Si cette calamité l’a affecté, sois sûr que