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JEAN RIVARD

« Mais ce rêve ne dure que ce que durent les rêves. Car le cœur est toujours là qui parle. Tout me dit que sans les plaisirs du cœur il y aura toujours un vide dans mon existence. Toi, mon cher Jean, dis-moi donc ce que tu penses de tout cela. Tu es déjà vieux marié, tu es père de famille, tu dois connaître le pour et le contre de toutes les choses du ménage, tu peux en parler savamment.

« Malgré toutes mes préoccupations amoureuses, je trouve encore le temps cependant de lire et de faire quelques études. Mon ambition a pris une tournure intellectuelle. J’ai une soif inextinguible de connaissances. J’ai le tort de prendre goût à presque toutes les branches des connaissances humaines, ce qui me rendra toujours superficiel. Je trouve heureux celui qui a une spécialité et ne cherche pas à en sortir. L’histoire, la philosophie, les sciences, m’intéressent beaucoup plus qu’autrefois. Je me suis dévoué depuis quelque temps à l’étude de l’économie politique : j’y trouve un charme inexprimable. En étudiant les sources de la richesse nationale, on en vient toujours à la conclusion que l’agriculture en est la plus sûre et la plus féconde. Je lisais l’autre jour un ouvrage sur les causes de la misère et sur les moyens de la faire disparaître ; l’auteur terminait ainsi : « Le problème de la misère ne sera complètement résolu, tant pour le présent que pour l’avenir, que lorsque le gouvernement aura résolu celui de la multiplication de nos produits alimentaires proportionnellement à celle de la population, en améliorant la culture des terres en labour et en défrichant les terres incultes. » En lisant ces derniers mots je me mis à penser à toi ; et je fermai mon livre pour rêver