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ÉCONOMISTE.

vais me bâtir une cabane qui pourra tenir au moins deux personnes ; avec l’argent qui me restera, je pense que je pourrai aussi me bâtir une grange dans le courant de l’été. Je suis parti pour faire une assez grosse semence ce printemps, et vous comprenez que si j’avais une femme, ça m’aiderait joliment pour faire le jardinage et engerber, sans compter que ça serait moins ennuyant de travailler à deux en jasant que de chanter tout seul en travaillant, comme je fais depuis que j’ai quitté votre service.

— Oui, oui, Pierre, tu as raison : une femme, c’est joliment désennuyant, sans compter, comme tu dis, que ça a bien son utilité. Si j’en juge d’après moi-même, tu ne te repentiras jamais d’avoir pris ce parti.

— Mais, il faut que je vous dise avec qui je veux me marier. Vous serez peut-être surpris tout de bon, cette fois ci. Vous ne vous êtes peut-être pas aperçu que j’avais une blonde. Madame Rivard en a bien quelque doutance, elle ; les femmes, voyez-vous, ça s’aperçoit de tout.

— Est-ce que ça serait Françoise par hasard ?

— Eh bien, oui, mon bourgeois, vous l’avez encore deviné ; c’est Françoise.

— Je savais bien, d’après ce que m’avait dit ma femme, qu’elle était un peu folle de toi, mais je n’étais pas sûr si tu l’aimais ; je croyais même quelquefois que tu en faisais des badinages.

— Ah ! pour ça, mon bourgeois, je vous avouerai franchement que je ne suis pas fou de Françoise, comme ce pauvre défunt Don Quichotte l’était de sa belle Dulcinée ; mais je l’aime assez comme ça, et si on est marié ensemble, vous verrez qu’elle n’aura